- Il y en avait onze litres, dit le boulanger. - J'en ai perdu quelques litres, s'excusa Théjardin. Le sommier n'est pas très étanche. - Elle n'est pas pure, ajouta le boulanger. Si on la comptait pour dix litres, ça serait plus juste. - Vous vendez les onze litres quand même, dit Jacques. - Naturellement, dit le boulanger, mais j'aurai la conscience troublée. Cela doit compter. - J'ai besoin d'argent, dit Jacques. Je ne joue pas depuis trois jours. - Je n'ai pas beaucoup d'argent non plus, dit le boulanger. Une voiture de vingt-neuf chevaux coûte cher d'entretien et les domestiques me ruinent. - Qu'est-ce que vous pouvez me donner? demanda Jacques. - Mon Dieu! dit le boulanger, je vous en offre trois francs le litre, et les onze compteront pour dix. - Faites un effort, dit Jacques. Ce n'est pas beaucoup. - Bon! dit le boulanger. J'irai jusqu'à trente-trois francs, mais c'est une escroquerie. - Donnez, dit Jacques. Le boulanger tira de son portefeuille six coupures de sept francs. - Rendez-moi neuf francs, dit-il. - Je n'ai que dix francs, dit Jacques. - Cela fera l'affaire, dit le boulanger. Il empocha l'argent, souleva le seau, et se dirigea vers la porte. - Tâchez de m'en faire d'autre, dit-il. - Non, dit Jacques. Je n'ai plus de fièvre. - Tant pis, dit le boulanger, et il sortit. Les mains de Jacques remontèrent à sa tête et il se remit à caresser ses os déformés. Il tenta de soulever son crâne; il aurait voulu en connaître le poids exact, mais il devait attendre d'être tout à fait guéri, et puis son cou le gênait.
dimanche 22 octobre 2006
L'Ecrevisse
- Il y en avait onze litres, dit le boulanger. - J'en ai perdu quelques litres, s'excusa Théjardin. Le sommier n'est pas très étanche. - Elle n'est pas pure, ajouta le boulanger. Si on la comptait pour dix litres, ça serait plus juste. - Vous vendez les onze litres quand même, dit Jacques. - Naturellement, dit le boulanger, mais j'aurai la conscience troublée. Cela doit compter. - J'ai besoin d'argent, dit Jacques. Je ne joue pas depuis trois jours. - Je n'ai pas beaucoup d'argent non plus, dit le boulanger. Une voiture de vingt-neuf chevaux coûte cher d'entretien et les domestiques me ruinent. - Qu'est-ce que vous pouvez me donner? demanda Jacques. - Mon Dieu! dit le boulanger, je vous en offre trois francs le litre, et les onze compteront pour dix. - Faites un effort, dit Jacques. Ce n'est pas beaucoup. - Bon! dit le boulanger. J'irai jusqu'à trente-trois francs, mais c'est une escroquerie. - Donnez, dit Jacques. Le boulanger tira de son portefeuille six coupures de sept francs. - Rendez-moi neuf francs, dit-il. - Je n'ai que dix francs, dit Jacques. - Cela fera l'affaire, dit le boulanger. Il empocha l'argent, souleva le seau, et se dirigea vers la porte. - Tâchez de m'en faire d'autre, dit-il. - Non, dit Jacques. Je n'ai plus de fièvre. - Tant pis, dit le boulanger, et il sortit. Les mains de Jacques remontèrent à sa tête et il se remit à caresser ses os déformés. Il tenta de soulever son crâne; il aurait voulu en connaître le poids exact, mais il devait attendre d'être tout à fait guéri, et puis son cou le gênait.
dimanche 15 octobre 2006
Je voudrais pas crever (suite)
J'aurai du m'en douter, ça m'apprendra a ne pas avoir les avoir lu, mais ce poème repris par tant de bouches : Reggiani, Lavilliers, Les Têtes Raides, est en fait un poème de Boris Vian tiré du recueil du même nom.
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algue
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleurs
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qui est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort..."
samedi 14 octobre 2006
Sur le bord de la rivière Piedra...
« J’aurais pu. Nous ne parviendrons jamais à comprendre le sens de cette phrase. Car, à chaque instant de notre vie, certaines choses, qui auraient pu arriver finalement, ne se sont pas produites. Il y a des instants magiques qui passent inaperçus et puis tout à coup la main du destin change notre univers »
« La sage n’est sage que parce qu’il aime. Le sot n’est sot que parce qu’il prétend comprendre l’amour »
Paulo Coelho
samedi 7 octobre 2006
La flèche ou la douleur
Elle te frappe comme un éclair, s’agrippe à tes nerfs, y grimpe. Tu suis son chemin, la vague de chaleur touche ta colonne vertébrale et tu frémis. Elle n’a pas encore atteint ton cerveau que tu ne peux déjà plus rien faire d’autre que d’y penser. Son escalade de ta moelle épinière à engourdi tous tes membres, pour mieux ressentir le palpitement rougeoyant de son épicentre. Ca y est, elle est arrivée à la cime, et prend place dans ton cerveau. Elle s’y installe fermement, et à cet instant précis tu comprends que tes espoirs d’y échapper sont vains, la ligne de non retour est franchie, le tambourinement sourd sur les parois de ton crane te le rappelle, ta vue se trouble, elle occupe tous tes sens. Tu ne peux plus cesser d’y penser, elle est là brulante, pointue et ne s’effacera que pour laisser sa place a une autre.