samedi 9 décembre 2006

Hémorragie

premiere sortie blog

Mon stylo ne voulait plus écrire alors je l’ai ouvert en deux. Comme ça, d’un coup sec. Son corps s’est fendu tout en longueur. De son cadavre émacié s’écoule le sang bleu avec lequel j’aurai tant aimé tatouer des arabesques de chimères sur de fines tranchesde cellulose. Et peut-être que ces chimères se seraient alors dressées du papier pour venir m’emporter, accroché à leurs longs poils mordorés vers ces pays où les stylos ne tombent jamais à sec. Mais au lieu de ça, l’encre continuait de couler, désagrégeant le papier, qui, parce qu’il ne pouvait plus avaler le liquide bleu, explosa en mille confettis mouillés. Et elle coulait toujours, à croire que tous les stylos du monde pleuraient de cet autodafé in vitro. Le sang bleu qui ne tenait plus sur mon bureau a commencé à inonder ma chambre, gonflant la moquette et décollant le papier peint. Les plaintes, fidèles à elles-mêmes se plaignaient tout comme les portes qui se portaient afin d’éviter d’avoir les pieds mouillés. Et moi, spectateur de ce déluge céleste, j’observais sur ma règle le niveau monter. L’encre était épaisse et je me demandais comment un tel liquide pouvait être fertile d’autant de mot, d’idées et de sensations. Mais c’est en regardant de plus près que je vis une multitude de petits frissons qui nageaient à l’intérieur, comme autant de cheveux emportés par un courant invisible. L’encre m’arrivait maintenant jusqu'à la taille, et comme j’ai une assez grande taille le niveau n’était plus très loin du plafond. N’ayant pas très bien dormi la nuit dernière, je me sentais à bout de forces et peinais à me maintenir à la surface. C’est lorsque je sombrais dans le liquide poisseux que je me rendit compte de mon erreur, du gâchis que j’avais provoqué, de tous ces mots noyés dans cette orgie encrière. Et mon dernier souhait fut que cette encre fut utilisée pour écrire cette histoire.

P.S. : Ecrit avec un stylo “don du sang”

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