samedi 9 décembre 2006

Hémorragie

premiere sortie blog

Mon stylo ne voulait plus écrire alors je l’ai ouvert en deux. Comme ça, d’un coup sec. Son corps s’est fendu tout en longueur. De son cadavre émacié s’écoule le sang bleu avec lequel j’aurai tant aimé tatouer des arabesques de chimères sur de fines tranchesde cellulose. Et peut-être que ces chimères se seraient alors dressées du papier pour venir m’emporter, accroché à leurs longs poils mordorés vers ces pays où les stylos ne tombent jamais à sec. Mais au lieu de ça, l’encre continuait de couler, désagrégeant le papier, qui, parce qu’il ne pouvait plus avaler le liquide bleu, explosa en mille confettis mouillés. Et elle coulait toujours, à croire que tous les stylos du monde pleuraient de cet autodafé in vitro. Le sang bleu qui ne tenait plus sur mon bureau a commencé à inonder ma chambre, gonflant la moquette et décollant le papier peint. Les plaintes, fidèles à elles-mêmes se plaignaient tout comme les portes qui se portaient afin d’éviter d’avoir les pieds mouillés. Et moi, spectateur de ce déluge céleste, j’observais sur ma règle le niveau monter. L’encre était épaisse et je me demandais comment un tel liquide pouvait être fertile d’autant de mot, d’idées et de sensations. Mais c’est en regardant de plus près que je vis une multitude de petits frissons qui nageaient à l’intérieur, comme autant de cheveux emportés par un courant invisible. L’encre m’arrivait maintenant jusqu'à la taille, et comme j’ai une assez grande taille le niveau n’était plus très loin du plafond. N’ayant pas très bien dormi la nuit dernière, je me sentais à bout de forces et peinais à me maintenir à la surface. C’est lorsque je sombrais dans le liquide poisseux que je me rendit compte de mon erreur, du gâchis que j’avais provoqué, de tous ces mots noyés dans cette orgie encrière. Et mon dernier souhait fut que cette encre fut utilisée pour écrire cette histoire.

P.S. : Ecrit avec un stylo “don du sang”

Logique


Un juge brésilien a refusé d'incarcérer un voleur. "Une société qui élit et réélit indéfiniment des caciques qui pillent les deniers publics, c'est une société qui accepte qu'un juge remette en liberté un citoyen qui, lui, a milles raisons [de voler]", a déclaré le magistrat, Adegmar José Ferreira. Le prévenu, 20 ans, "sans emploi", "noir" et dans "une situation d'extrême pauvreté", a donc été remis en liberté.


Courrier International (Folha de Sâo Paulo, Brésil)

samedi 25 novembre 2006

sans commentaires

"les propos racistes, quelque soit leur nature, sont honteux et indignes et doivent être condamnés"

Jacques Chirac, 24/11/06

"Notre problème, ce n'est pas les étrangers, c'est qu'il y a overdose. C'est peut-être vrai qu'il n'y a pas plus d'étrangers qu'avant la guerre, mais ce n'est pas les mêmes et ça fait une différence. Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs [...] Comment voulez-vous que le travailleur français qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler... si vous ajoutez le bruit et l'odeur, hé bien le travailleur français sur le palier devient fou. Et ce n'est pas être raciste que de dire cela... "
Jacques Chirac, 19/06/91

dimanche 19 novembre 2006

L'Auberge Espagnole - Les Poupées Russes

‘06
FRI 11-17
22 : 42

ceci est l’article que je n’écrirai pas sur l’Auberge Espagnole.
j’veux repartir je veux vivre viens avec moi

« pourquoi ‘faut arrêter de rêver ? »
« c‘est dingue comme ces moments supra cons, sont forts, un truc qui dure en tout et pour tout 12 secondes dans ta vie et qui te reste gravé profondément pour tout le restant de tes jours »
« c’est en partant loin avec quelqu’un qu’on peut savoir si on est proche »
Les Poupées Russes

samedi 18 novembre 2006

Un Amour de Parpot

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« […] j’ai commencer à penser à toi quand tu n’étais pas là, puis à penser tout le temps à toi au point que rien n’avait plus d’importance que la prochaine fois où j’allais te voir. Mais je savais pas que c’était cet état de manque qu’on appelle l’amour, parce que dans les livres c’est toujours raconté différemment, avec d’autre mots et dans la vérité de la vie, c’est finalement plus simple d’être amoureux et plus pénible aussi »

Alain Monnier

Vous les croisez tous les jours, ces éclopés de la vie, paraplégiques, sourds, muets, unijambistes ou manchots, mais aussi ces “insuffisants d’esprits”. Vous savez, tous ces gens dont vous détournez le regard quand vous les croisez dans la rue par ce que votre maman vous l’a toujours répété quand vous étiez petit(e) : « Ne regarde pas comme ça ce monsieur en chaise roulante, c’est pas bien ! ». Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu’est leur vie lorsqu’ils descendent du train, qu’ils tournent au coin de la rue ? Est-ce qu’il existe des employeurs qui ont bien voulut leur donner une chance de s’intégrer à la société, est-ce qu’il existe des hommes ou des femmes qui ont bien voulu leur ouvrir leur cœur. Moi, je ne sais pas, mais Alain Monnier a essayé de s’imaginer. Il n’a pas pris des personnages “hors du commun”, pas de trisomique aux capacités divinatoires, pas de multimillionnaire mutilé par un psychopathe sadique, payant des tueurs à gages professionnels armés jusqu’aux dents pour assouvir sa vengeance, non juste une jeune fille coincée sur un fauteuil roulant à cause d’un banal feu rouge grillé. Pas de services secrets, pas de F.B.I., juste les couloirs du Ministère des Affaires Intérieures. Un livre humain et touchant, qui saura peut-être vous faire revoir le sens du mot “pardon”.

Lucky Number : Slevin


Parfois je me demande, quel genre de personnes inventent les scénarii de films. Alors j’imagine un mec complètement farfelu, échevelé, tapant sur une vielle Remington déglinguée, dans une chambre d’hôtel miteuse et complètement délabrée, ou bien un autiste cloîtré dans un monde où le chemin le plus court entre deux points est la montagne Russe et où lorsque tu mets le pied dans le gouffre d’une bouche d’égout et ben tu te retrouves dans les bras d’une belle jeune fille au lieu de pester sur ton pantalon déchiré et puant… C’est ce que j’ai pensé lorsque j’ai vu L’Armée des 12 Singes, Memento, Fight Club aussi, et tant d’autre encore. C’est aussi ce que j’ai pensé quand j’ai vu Lucky Number : Slevin. Une fois qu’on a vu la fin, essayer de raconter le synopsis paraît désuet, et très compliqué surtout que l’intérêt n’est pas là. Disons que ce film vaut le coup d’être vu pour son scénario, pour ses acteurs, Lucy Liu tout a fait charmante, Morgan Freeman classieux, Bruce Willis mystérieux, un peu comme dans Incassable, et bien sur l’acteur principal, Josh Hartnett, qui cache bien son jeu, et c’est le moins qu’on puisse dire, et pour son réalisateur, Paul McGuigan, qui nous montre ça de façon très agréable.

dimanche 22 octobre 2006

L'Ecrevisse

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I
Jacques Théjardin était dans son lit, souffrant. Il avait attrapé l'éclanchelle en jouant de son flûtiau bourru sous un mauvais courant d'air. L'orchestre de musique de chambre dont il faisait partie acceptait, en effet, car les temps étaient durs, de se produire dans un simple couloir; mais si les musiciens arrivaient de la sorte à subsister malgré l'inclémence du temps, leur santé risquait fréquemment d'en pâtir. Jacques Théjardin ne se sentait pas bien. Sa tête s'était allongée dans un seul sens et le cerveau ne suivait pas le mouvement; aussi, peu à peu, dans le vide ainsi formé, s'introduisaient des corps étrangers, des pensées parasites, et, plus fluide, envahissante, de la douleur en paillettes aiguës comme de l'acide borique taillé. De temps en temps, Jacques Théjardin toussait, et les corps étrangers venaient choquer durement la paroi de son crâne, remontant brusquement le long de la courbe, comme les vagues dans une baignoire, pour retomber sur eux-mêmes avec un crissement de sauterelles piétinées. Une bulle, çà et là, éclatait et de menues projections blanchâtres, molles comme l'intérieur d'une araignée, étoilaient la voûte osseuse, aussitôt emportées par les remous. Jacques Théjardin guettait avec angoisse, après chaque quinte, le moment où il tousserait de nouveau, et comptait, à cet effet, les secondes au moyen d'un sablier gradué qui reposait sur sa table de nuit. Il était tourmenté par l'idée qu'il ne pourrait faire des exercices de flûtiau comme d'habitude: ses lèvres allaient se ramollir et ses doigts se désaplatir et tout serait à recommencer. Le flûtiau bourru exige de ses adeptes une volonté terrifiante, car on apprend très difficilement à en jouer, mais on oublie très vite le peu qu'on a appris. Il repassait dans sa tête la cadence du dix-huitième mouvement symphonique en bémol plat qu'il était en train de travailler, et les trilles de la cinquante-sixième et cinquante-septième mesure augmentèrent son mal. Il sentit venir la quinte et porta la main à sa bouche pour en retenir une partie. Elle monta, se boursoufla dans sa trachée, et sortit à gros jets turbulents; la figure de Jacques Théjardin devint pourpre et ses yeux s'injectèrent de sang. Il les essuya du coin d'un mouchoir qu'il avait choisi rouge pour ne pas le tacher.
II
L'escalier se mit à bruire. La rampe, montée sur des tiges métalliques, vibrait comme un gong: c'était sûrement la logeuse qui lui apportait du tilleul. Le tilleul congestionne, à la longue, la prostate, mais Jacques Théjardin n'en prenait pas souvent et il échapperait, sans doute, à l'opération. Elle n'avait plus qu'un étage à gravir. C'était une belle grosse femme de trente-cinq ans dont le mari, prisonnier en Allemagne pendant des mois et des mois, s'était établi poseur de barbelés sitôt revenu chez lui, car c'était bien son tour d'enfermer les autres. Il bouclait des vaches en province à longueur de journée et donnait rarement signe de vie. Elle ouvrit la porte sans frapper et fit un grand sourire à Jacques. Elle tenait un pot de faïence bleue et un bol qu'elle posa sur la table de nuit. Sa robe de chambre entrouverte bâilla sur des ombres moussues lorsqu'elle se pencha pour arranger les oreillers, et Jacques perçut le fumet violent de son mystère barbu. Il cligna des yeux, car l'odeur le frappait de face, et désigna du doigt la place incriminée. - Excusez-moi, dit-il, mais... Il s'interrompit, en proie à une quinte violente. La logeuse, sans comprendre, se frictionnait le bas-ventre. - C'est... votre... chose... conclut-il. Pour qu'il rie, elle saisit à deux mains l'objet hilare et lui fit imiter le bruit du canard fouillant dans la vase; mais, ne voulant pas faire tousser Jacques, elle referma bien vite sa robe. Un faible sourire détendit le visage du garçon. - En temps normal, expliqua-t-il pour s'excuser, j'aime assez ça, mais j'ai déjà la tête si pleine de bruits, de sons et d'odeurs... - Je vous verse du tilleul? proposa-t-elle, maternelle. Comme elle lâchait les pans pour lui donner à boire, ils s'écartèrent de nouveau! Jacques taquinait la bestiole du bout de sa cuillère, et, soudain, cette dernière fut happée d'un coup. Il rit si fort que sa poitrine se déchira. Courbé en deux, suffoquant, il ne sentait même pas les tapes douces et rapides que la logeuse lui administrait sur le dos pour qu'il s'arrête de tousser. - Je ne suis qu'une bête, dit-elle, se grondant de l'avoir fait rire. Je devrais bien penser que vous n'avez pas le cœur à jouer. Elle lui rendit sa cuillère et lui tint le bol pendant qu'il buvait, à petites gorgées, le tilleul au goût de fauve qu'il tournait en même temps pour bien mélanger le sucre. Il avala deux tablettes d'aspirine. - Merci, dit-il... Je vais tâcher de dormir, maintenant. - Je vous monterai d'autre tilleul, dit la logeuse qui plia en trois le bol et le pot de faïence vides pour les emporter plus commodément.
III
Il se réveilla en sursaut. L'aspirine l'avait fait transpiriner : comme, en vertu du principe d'Archimerde, il avait perdu un poids égal à celui du volume de sueur déplacé, son corps s'était soulevé au-dessus du matelas, entraînant les draps et les couvertures, et le courant d'air ainsi produit ridait la mare de sueur dans laquelle il flottait; de petites vagues clapotaient sur ses hanches. Il retira la bonde de son matelas et la sueur se déversa dans le sommier. Son corps descendit lentement et reposa de nouveau sur le drap qui fumait comme un cheval-vapeur. La sueur laissait un dépôt gluant sur lequel il glissait dans ses efforts pour se relever et s'accoter à l'oreiller spongieux. Sa tête recommençait à vibrer en sourdine, et des meules se formèrent derrière son cerveau, et se mirent à broyer les substances qui s'agitaient toujours dans le vide de son crâne. Il leva les mains doucement et palpa sa tête avec précaution. Il sentait la déformation. Ses doigts glissèrent de l'occiput aux pariétaux gonflés, touchèrent son front, suivirent le bord abrupt des orbites et gagnèrent les tempes, puis, revinrent aux os malaires qui cédaient légèrement sous la pression. Jacques Théjardin aurait bien voulu voir exactement la forme de son crâne. Certains sont si jolis, de profil, si bien équilibrés, si ronds. Il s'était fait faire une radiographie, pendant sa maladie de l'an passé, et toutes les femmes à qui il l'avait montrée étaient devenues facilement ses maîtresses. Cet allongement derrière et cette enflure des pariétaux l'inquiétaient beaucoup. Le flûtiau bourru, peut-être... Ses mains revinrent à l'occiput, s'attardèrent à la jonction du cou, dont la rotule tournait sans bruit, mais avec une certaine difficulté. Avec un soupir d'impuissance, il laissa retomber les bras le long de son corps, et, agitant rapidement les fesses de droite à gauche, il se fit un petit creux confortable dans la croûte encore tendre, mais qui commençait à s'affermir. Il n'osait pas trop remuer, car la sueur, dans le sommier, passait, d'un seul coup, de gauche à droite lorsqu'il prenait appui sur le bras droit, déséquilibrant le lit et l'obligeant à nouer, autour de ses reins, la large sangle de toile bise qui suffisait à peine à le retenir. Lorsqu'il s'appuyait sur l'autre bras, le lit se retournait complètement, et le voisin du dessous tapait au plafond avec le manche d'un gigot dont l'odeur s'infiltrait à travers les raies du plancher et soulevait la tête de Théjardin. Il ne voulait pas siphonner le sommier sur le plancher. Le boulanger du coin lui donnait un bon prix de toute cette sueur: il la mettrait en bouteilles, étiquetée «Sueur de Front», et les gens l'achèteraient pour s'aider à manger le pain bluté à 99 pour cent du Ravitaillement. - Je tousse moins, pensa-t-il. Sa poitrine se laissait aller régulièrement, et le bruit de ses poumons s'était fait imperceptible. Il étendit avec précaution son bras gauche et saisit son flûtiau posé sur une chaise à côté du lit. Il le coucha près de lui, puis ses mains remontèrent vers sa tête, glissèrent de l'occiput aux pariétaux gonflés, touchèrent son front et suivirent le bord abrupt de ses orbites.
IV

- Il y en avait onze litres, dit le boulanger.
- J'en ai perdu quelques litres, s'excusa Théjardin. Le sommier n'est pas très étanche. - Elle n'est pas pure, ajouta le boulanger. Si on la comptait pour dix litres, ça serait plus juste. - Vous vendez les onze litres quand même, dit Jacques. - Naturellement, dit le boulanger, mais j'aurai la conscience troublée. Cela doit compter. - J'ai besoin d'argent, dit Jacques. Je ne joue pas depuis trois jours. - Je n'ai pas beaucoup d'argent non plus, dit le boulanger. Une voiture de vingt-neuf chevaux coûte cher d'entretien et les domestiques me ruinent. - Qu'est-ce que vous pouvez me donner? demanda Jacques. - Mon Dieu! dit le boulanger, je vous en offre trois francs le litre, et les onze compteront pour dix. - Faites un effort, dit Jacques. Ce n'est pas beaucoup. - Bon! dit le boulanger. J'irai jusqu'à trente-trois francs, mais c'est une escroquerie. - Donnez, dit Jacques. Le boulanger tira de son portefeuille six coupures de sept francs. - Rendez-moi neuf francs, dit-il. - Je n'ai que dix francs, dit Jacques. - Cela fera l'affaire, dit le boulanger. Il empocha l'argent, souleva le seau, et se dirigea vers la porte. - Tâchez de m'en faire d'autre, dit-il. - Non, dit Jacques. Je n'ai plus de fièvre. - Tant pis, dit le boulanger, et il sortit. Les mains de Jacques remontèrent à sa tête et il se remit à caresser ses os déformés. Il tenta de soulever son crâne; il aurait voulu en connaître le poids exact, mais il devait attendre d'être tout à fait guéri, et puis son cou le gênait.
V
Péniblement, il rejeta ses couvertures. Ses jambes maigres, ondulées par cinq jours de repos, s'allongeaient devant lui. Il les considéra sans entrain, tenta de les lisser du plat de la main, puis, renonçant, s'assit sur le bord du lit et se leva avec effort. A cause de ses jambes, il avait perdu cinq bons centimètres. Il bomba le torse et ses côtes craquèrent. L'éclanchelle laissait des traces. Sa robe de chambre tombait en longs plis flasques sur ses fesses creuses. Ses lèvres ramollies et ses doigts gonflés ne lui permettaient plus de jouer du flûtiau bourru, il le constata tout de suite. Abattu, il se laissa tomber sur une chaise, la tête dans ses mains. Ses doigts palpèrent machinalement ses tempes et son front pesant.

VI
Le chef de l'orchestre dans lequel jouait Jacques montait l'escalier; il s'arrêta une minute devant la porte, lut la carte et entra. - Bonjour, dit-il. Alors, tu vas mieux? - Je me lève à l'instant, dit Jacques. Je suis mou. - Ça sent drôle dans l'escalier, dit le chef. - C'est la logeuse, dit Jacques. Elle ne ferme jamais sa robe. - Ça sent bon, dit le chef. Ça sent le garenne. - Oui, dit Jacques. - Quand reviens-tu jouer avec nous? demanda le chef. - Il y a des affaires? demanda Jacques. Je ne voudrais plus jouer en couloir. Après tout, la musique de chambre, c'est de la musique de chambre... - Tu ne vas pas dire que c'est de ma faute si tu as attrapé l'éclanchelle, dit le chef. Après tout, nous avons tous joué dans ce couloir... - Je sais, dit Jacques, mais j'étais devant le courant d'air, et c'est pour cela que vous n'avez rien eu. - C'est des histoires, dit le chef. D'ailleurs, tu as toujours eu un sale caractère. - Non, dit Jacques, mais je n'aime pas être malade, c'est mon droit. - Je devrais te remplacer, dit le chef. On ne peut pas jouer avec un type qui se fâche pour tout. - Enfin, dit Jacques, j'ai failli crever! ... - Tu m'embêtes, dit le chef. Je n'y suis pour rien. Quand peux-tu recommencer à jouer? - Je ne sais pas, dit Jacques. Je suis mou. - Tu commences à exagérer, dit le chef. Ce n'est pas comme ça qu'on travaille. Je vais demander à Albert de te remplacer. - Paye-moi les deux cachets que tu me dois, dit Jacques. Il faut que je donne de l'argent à la logeuse. - J'en ai pas sur moi, dit le chef. Au revoir. Je vais chez Albert. Tu as trop mauvais caractère. - Quand me paieras-tu? dit Jacques. - Oh! ... Je te paierai, dit le chef. Je m'en vais. Les doigts de Jacques erraient sur son front et ses yeux étaient à demi fermés. Quatre kilos, peut-être? ...
VII
Le petit réchaud à alcool bourdonnait vaillamment et, agacée par le bruit, l'eau commençait à frémir dans la marmite d'aluminium. Cela faisait beaucoup d'eau pour un si léger réchaud, mais il en viendrait à l'eau bout. Jacques attendait sur une chaise. Pour s'occuper, il travaillait un peu le flûtiau. Chaque fois, il manquait le si bémol de deux centimètres, mais à la fin, il réussit à l'attraper, et l'écrasa entre deux doigts, content d'avoir triomphé. Ça revenait. Il s'arrêta car la douleur revenait aussi dans sa tête. Et l'eau commençait à bouillir. - Peut-être plus de quatre kilos, se dit-il. On va voir... Alors, il prit un grand couteau et se coupa la tête. Il la mit dans l'eau bouillante avec un peu de cristaux pour la nettoyer et ne pas fausser la pesée. Et puis, il mourut avant d'avoir terminé, car ceci se passait en 1945, et la médecine n'était pas encore perfectionnée comme maintenant. Il monta au ciel dans un gros nuage rond. Il n'avait aucune raison d'aller ailleurs.
Boris Vian

dimanche 15 octobre 2006

Je voudrais pas crever (suite)

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J'aurai du m'en douter, ça m'apprendra a ne pas avoir les avoir lu, mais ce poème repris par tant de bouches : Reggiani, Lavilliers, Les Têtes Raides, est en fait un poème de Boris Vian tiré du recueil du même nom.

" Je voudrais pas crever
Avant d'avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d'argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d'égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu'on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j'en aurai l'étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Tout ce que j'apprécie
Que je sais qui me plaît
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d'algue
Sur le sable ondulé
L'herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L'odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l'Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J'en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu'on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleurs
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir et à z-entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s'amène
Avec sa gueule moche
Et qui m'ouvre ses bras
De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d'avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qui est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d'avoir goûté
La saveur de la mort...
"

samedi 14 octobre 2006

Sur le bord de la rivière Piedra...

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« J’aurais pu. Nous ne parviendrons jamais à comprendre le sens de cette phrase. Car, à chaque instant de notre vie, certaines choses, qui auraient pu arriver finalement, ne se sont pas produites. Il y a des instants magiques qui passent inaperçus et puis tout à coup la main du destin change notre univers »  

« La sage n’est sage que parce qu’il aime. Le sot n’est sot que parce qu’il prétend comprendre l’amour »

Paulo Coelho

Cela n'arrive pas qu'aux autres

Noël 2007 2

[I changed my mind]

Il faut se lever chaque jour comme si son prochain allait mourir

samedi 7 octobre 2006

Toute ombre appelle le soleil

Kyocera M410R

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Peau Aime


"Dans ma tête, chui pas un homme, dans ma tête j'ai 14 ans"

Renaud

Studio


"J'aimerai photographier les rêves que l'on fait les yeux fermés"

Roversi

La flèche ou la douleur

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Elle te frappe comme un éclair, s’agrippe à tes nerfs, y grimpe. Tu suis son chemin, la vague de chaleur touche ta colonne vertébrale et tu frémis. Elle n’a pas encore atteint ton cerveau que tu ne peux déjà plus rien faire d’autre que d’y penser. Son escalade de ta moelle épinière à engourdi tous tes membres, pour mieux ressentir le palpitement rougeoyant de son épicentre. Ca y est, elle est arrivée à la cime, et prend place dans ton cerveau. Elle s’y installe fermement, et à cet instant précis tu comprends que tes espoirs d’y échapper sont vains, la ligne de non retour est franchie, le tambourinement sourd sur les parois de ton crane te le rappelle, ta vue se trouble, elle occupe tous tes sens. Tu ne peux plus cesser d’y penser, elle est là brulante, pointue et ne s’effacera que pour laisser sa place a une autre.